J’aime bien faire des concerts où je ne suis pas tout seul, paumé dans la masse de mélomanes… A plus forte raison quand j’emmène quelqu’un pour lui faire découvrir un certain type de musique… A plus forte raison lorsqu’il s’agit de ma dulcinée, et que j’y vois un moyen pas si innocent de lui faire découvrir un peu mieux mon monde à moi, un monde avec beaucoup de notes et de partage.
Pour une fois, nous nous pointâmes relativement tôt à la salle du New Morning en cette soirée saturnale, bien contents de trouver place assise (concert jasssss oblige) pour digérer une fondue savoyarde pas piquée des hannetons et copieuse comme toute fondue savoyarde se doit de l’être. L’occasion de prendre la température avec la salle, le public et la scène (qui se souvient de la citation du philosophe « sentir la scène... » ?). Une petite heure plus tard, l’ami Romane, les cheveux grisonnant au vent, annonce le menu de cette soirée. Son humour désormais connu de ma personne ainsi que sa bonhomie mettent immédiatement le public peinard, voilà un bon climat du pastis et de la pétanque qui s’installe, le vent frais du sud file entre nos 2 oreilles, le public est à point pour cette dégustation en plusieurs actes. Son speech fait l’éloge de Samois Sur Seine, bastion des Reinhardt depuis que le petit Django a laissé sa trace et a semé la graine artistique pour les générations à venir. C’est l’occasion pour l’ami Romane de faire un peu de pub pour le festival manouche de Samois Sur Seine en Juin et d’introduire la première partie de la soirée en l’occurrence le groupe de Cyrille Daudel.
Cette jeune chanteuse, assez intimidée pour ses premiers pas sur scène, ouvre le bal sur une prestation solo à l’aide d’une pédale à loops. Pour les noobs j’explique le principe : cette « machine » permet d’enregistrer puis de passer en boucle et simultanément plusieurs voix enregistrées en direct live. En gros ça se passe de la façon suivante : la chanteuse commence par enregistrer un petit gimmick (beat box, chant etc…) d’une dizaine de seconde qu’elle enregistre au moment où elle chante… Une fois le gimmick dans la boite, il se lit en boucle indéfiniment… par-dessus ce premier gimmick, la chanteuse en enregistre un deuxième et ainsi de suite… Au final, l’artiste se crée elle-même son accompagnement musical en direct live pour pouvoir chanter sa chanson par-dessus après. Logiquement, elle enregistre les « percus » en premier (par exemple un truc type beat box), puis la basse, puis les chœurs… et c’est parti mon kiki, elle peut chanter son morceau sur le fond sonore qu’elle s’est créé, c’est t’y pas merveilleux la technologie ? Donc voilà, c’est très appréciable, on sent vraiment la chanteuse construire son p’tit univers musical petit à petit, on assiste en direct à la naissance d’une chanson et c’est très sympa… Elle réitèrera par la suite sur une reprise de « Stand By Me »…
Une fois la p'tite performance terminée, le groupe au complet se pointe à savoir : guitare solo, guitare rythmique & contrebasse. Le quatuor nous régale de bon vieux standards Jazz et l’accompagnement porte très bien la voix vraiment jazzy diva de notre chère amie, l’ambiance « old jazz yeah feelin’ in the good time » est au beau fixe, la soirée se passe au mieux. Le guitariste solo a un sacré touché, propre, carré, en rythme, virtuose, inventif, mélodieux… Vraiment je ne taris pas d’éloges sur lui, j’ai même préféré son jeu à Richard Manetti (ils doivent avoir le même âge). Fin de la première partie, que du bon son dans les oreilles ça change du quotidien…
Un petit quart d’heure plus tard, L’ami Romane se pointe donc en compagnie de son fils Richard Manetti ainsi que du contrebassiste fou (je reviendrai sur cet attribut). En prenant ma place de concert je ne savais pas que Richard Manetti était le fils de Romane, ni qu’ils avaient fait un disque ensemble intitulé « Père & Fils « (très original, comme ne manquera pas de le rappeler Romane). Après une petite introduction humoristique, place à la musique : Comme on s’y attend, Romane prépare la relève et laisse donc le thème et le solo à son fils, se contentant de l’accompagner. Le jeu de Richard est assez vif et immature, il tente des trucs à la guitare qui ne rendent pas forcément bien (voire certains trucs ne sonnent pas du tout, échec et mat héhé), il manque un peu de réalisme, mais la virtuosité et la fougue de la jeunesse sont bien présentes. Il n’hésite pas à tenter des plans difficiles, à jouer avec du feeling, et ça se voit sur sa façon de jouer… Un peu à la manière de Julio Iglesias, on dirait parfois qu’il souffre quand il joue les notes et cette surexpression peut effectivement quelque peu agacer comme ce fut le cas pour Justine qui me déclara après « il en fait des tonnes, j’aime pas quand les musiciens font ça ». Le père Romane quant à lui est à son aise, son expérience des concerts, des jams, de la musique tout simplement lui permettent de faire face à toute situation… Il lui arrive même de se moquer de lui-même « Ouais pour ce morceau j’ai fait n’importe quoi je me suis énervé.. Non mais voyons, ça se joue pas si vite ce morceau, je comprends pas ce qu’il vous a pris… ».
Musicalement parlant le show part un peu en « impro jazzy vazy j’méclate personne comprend rien à s’que j’joue et vla kje joue mieux qu’toi » de temps à autre, mais cela est contrebalancé par quelques brûlots bien jazz manouche qui redonnent la pêche avec notamment la reprise de « rythmes futurs » de Django, la chanson où les gratteux peuvent montrer qu’ils ont une bien grosse… Guitare entre les jambes. Hormis le duo guitaristique familial, le troisième homme, contrebassiste de son état, était un sacré énergumène… Il n'a pas dû regarder ses mains plus d’une minute pendant tout le concert… Il préférait regarder ses partenaires, leur faire des signes, jouer avec eux au sens premier du terme… Même lors de ses impros il ne regardait jamais ses mains… Mais c’est pas possible y’avait un miroir ou quelque chose ?… Quand je me dis que j’arrive à décoller les yeux du manche quand je joue par peur de partir n’importe où et de jouer n’importe quoi, je suis en profonde admiration devant un type qui ne se soucie pas de regarder ce qu’il joue, vraiment chapeau l’artiste. De plus, lors de ses impros le bonhomme se parle à lui-même « Ah ouais, ça passe jamais quand je le fais, vous comprenez pas s’ke jveux dire » etc… Alors là pareil, quand je fais une impro, je réfléchis pas des masses, autrement ça donne lieu à des blancs assez embarrassants … D’autant que pour penser et jouer en même temps, il faut avoir un petit peu 2 cerveaux en même temps… Alors oui je me suis demandé « mais est-il constitué comme nous ? »… Bref c’est quand on sent qu’on a atteint les limites qu’elles sont repoussés…
Vient l’heure du « petit guitariste frustré, on va te dégoûter à vie de reprendre ta guitare », j’ai nommé le moment où Romane appelle son plus jeune fils de 14 ans, Pierre, avec son copain le petit Lévis… Reinhardt (11 ans)… Et là c’est la bonne blague, les 2 minots reprennent un titre de Babik Reinhardt et ils jouent trop bien… Vraiment c’est propre, technique, y’a du feeling… Okay les mauvaises langues diront « ils ont du pur matos (vieilles Gibson demi-caisse etc…) à plusieurs milliers d’euros… »… Ouais mais bon, le matos ne fait pas tout, on ne naît pas tous égaux de ce point de vue là… Et certains naissent clairement plus inégaux que le commun des mortels… Bref je tire mon chapeau à ces deux petiots là, pour qui le morceau était une partie de rigolade avec aucune prise au sérieux… Quoi qu’il en soit, leur potentiel est énorme, mais il leur faudra encore travailler et jouer sans relache pour atteindre la virtuosité… 5 % de talent et 95 % de sueur.
Voilà voilà, le concert s’achève avec un joyeux « big guitar band » où tous les protagonistes de la soirée jouent ensemble sur scène un dernier morceau. C’est donc avec le sourire que nous rentrons. Cette soirée m’aura réconcilié avec la musique française et aura sue prouver que nous aussi petits frenchies avons notre pôle d’excellence, dans le domaine du jazz du moins…
See Ya on the musical side of life
JayJay
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