
Bon cette fois-ci n’allez pas me dire que le groupe dont je suis allé voir la révolution hier soir est inconnu… Rage Against The machine est quand même Le Groupe qui aura marqué les années 90 avec toute son action entreprise en contrepouvoir de la politique des Etats-Unis. En effet, non seulement ces messieurs se sont payés le luxe d’amener sur la scène musicale une nouvelle mouvance fusion (rap/rock) mais de surcroît, ils ont mené un combat politique sans relâche contre le capitalisme, combat qui a eu un impact réel sur la société. Entre autres faits d’armes, lors du tournage du clip de « sleep now in the fire » devant la bourse de Wall Street, le bronx qu’ils ont foutu a obligé la bourse à fermer ses portes une heure avant l’heure habituelle, ce qui engendra des pertes économiques se chiffrant en millions de dollars.
A l’heure où Nirvana mourrait des suites du suicide de son leader, Rage - pour les intimes – baignait d’huile les mécaniques de sa machine de guerre, enchaînant les tournées et délivrant son message au monde entier. Dans toute cette histoire, moi jeune ignorant du haut de mes 8 ans, je découvrais les sonorités d’un « killing in the name of » par l’intermédiaire de mon frère qui me faisait écouter le « nouveau groupe qui passe à donf sur skyrock » en 1994. Alors oui c’était plus dur à écouter que The Offsprings ou les Smashing Pumpkins, et puis je savais pas très bien prononcer le nom du groupe… Je crois même avoir demandé dans la cour du primaire si les autres hé ben ils connaissaient « rage of Dance Machine »… Oui j’ai une excuse quand même, mais bon passons. Il m’a fallu attendre la 2nde pour recommencer à écouter ce groupe et l’apprécier, au même moment où le groupe nous livrait son ultime effort « renegades » qui sonnait le glas de la carrière du groupe. D’après les interviews, le groupe se séparait en bons termes, les musiciens n’ayant plus les mêmes orientations musicales. Sans y penser alors, toute la génération des « born in the 80’s » qui avait connu ce groupe étant jeune, trop jeune pour les voir en concert, passait à coté d’un monstre du rock, un show à voir une fois dans sa vie. Pour preuve que le groupe a su passer à la postérité, citons en vrac : toujours autant de jeunes qui découvrent et écoutent du RATM à l’adolescence, des jeunes adultes qui continuent à écouter les vieux classiques, comme par Nostalgie, « Killing In The Name Of » qui passe systématiquement en boîte pendant le quart d’heure « rock » (i.e le moment où le dj se croit mega rebelle et passe la même playlist partout en France : Noir Désir, Louise Attaque, Matmattah, U2, Offspring et… Rage Against The Machine… houlala quel privilège d’être invité au « panthéon » du rock pour les clubbers !!!).
Après cette longue introduction, venons-en aux faits. Année 2008, élections présidentielles US… Il n’en fallait pas moins aux Rage pour se reformer et semer le bazar once again ! Bon c’est sûr, avec Audioslave qui bat de l’aile, on peut comprendre la disponibilité des divers membres du groupe mais bon… Une tournée mondiale est annoncée et celle-ci passera par Paris. Dans l’urgence, au vu de l’annonce et du possible caractère bref de la tournée, les places pour le concert de Bercy se vendent à une vitesse record. Ayant prévu le coup par avance je choppe mes places peinard devant mon pc à l’heure où les billetteries ouvrent la vente… 15 min plus tard, quasiment tous les billets sont vendus en guichet et sur Internet et les premiers escrocs mettent en vente sur e-bay les places qu’ils ont achetées, 4 à 5 fois le prix réel… Bienvenue dans le monde réel, on se fait du biz’ et du fric sur le concert d’un groupe on ne peut plus anti-capitaliste, le contraste mérite réflexion… 4 mois après ce fait divers, c’est donc un 4 Juin au soir que je m’apprête à rejoindre des 2as de la délégation nancéenne des Mines pour assister au concert. La journée du 4 Juin est elle-même un contraste : quelques heures plus tôt, vêtu de mon costume 3 pièces, je défendais vaillamment mon bifteck armé de mon CV pour obtenir un poste chez EDF, on discutait de mes ambitions de carrière, de rémunération, de poste, de responsabilités dans un grand groupe comme EDF… Pour aller faire la révolution le soir même… Bel esprit de contradiction je me reconnais bien là dedans.
Arrivée à Bercy 19h, ça grouille de monde devant le Palais Omnisport de Paris Bercy, pas vraiment une salle de concert m’a t’on prévenu, mais qui a le mérité d’accueillir jusqu’à 18000 personnes. On passe le temps tranquillement avant le concert… à 20h00 on se décide à rejoindre la queue… Humm au moins 500m de file humaine un truc de dingue, mais bon qu’importe… Rentré peu avant 21h, on commence à s’installer dans la fosse vraiment énorme… 21h30, la foule s’impatiente, les ola s’enchaînent dans les gradins (les pauvres…) et on sent que la tension monte, les gens réclament du RATM… Peu après les lumières s’éteignent.
Un étoile rouge en guise de décor de scène s’illumine, et la version originale (Russe) de « l’internationale » passe à fond dans les enceintes ;.. Ok on a compris, vous votez pas Le Pen les gars ;)… Premières notes, premières bombes larguées sur scène : « Testify » premier titre de l’album « The Battle of L.A », suivi de près par « Bulls on the parade » (album « evil empire ») et ça s’enchaîne… On note quelques pauses où le groupe se ressource, on change d’instru, on boit un coup et c’est reparti… M’enfin c’est bien beau les gars mais… Comme qui dirait, ça manquerait t’y pas de communication des fois ? Okay vos messages passent dans les textes de Zack de la Rocha pendant les chansons, mais je sais pas, un pti « hello Paris , blabla », et de temps en temps entre les chansons, une ptite anecdote, pourquoi ils se reforment etc… ne serait pas de trop. Ah, on me dit à l’oreillette que c’est parce que le public sait déjà tout ça et qu’ils ne veulent pas se répéter… Peut être est-ce la raison… Pourtant, c’est bien dommage ce manque total de communication, car de la part d’un public qui attend tellement de choses d’un concert de ce calibre, ça fait un peu « on joue 1h30 et s’casse compris les mecs ? ».
Voilà, alors si on fait abstraction de la frustration du fan de base qui pense que RATM joue exprès pour lui à Paris et l’aime autant que le fan aime le groupe… Hé bien ça envoyait du gros ! * mode musicien geek on* Effectivement, Bercy n’est pas une salle de concert, par conséquent l’accoustique de la salle n’est pas top. Néanmoins, quand ça envoie de la sono, ça envoie de la sono. Le mix était assez bien foutu, la basse pas trop présente, la voix qui ressort (m’enfin c’est Zack de la Rocha quand même), la gratte qui sort ce qu’elle veut, un bijou, bref c’est du bon. Et puis Tom Morello, le guitariste (enfin je sais pas si on peut appeler ça un « guitarste »)… Lorsque j’ai acheté ma première guitare électrique, le pote de mon frangin avec qui on était allé l’acheter m’a dit ceci : « tu vas voir, maintenant que tu fais de la gratte électrique, tu vas plus écouter les disques de la même façon, tu vas faire vachement plus attention à la guitare par rapport au reste… » Vindieu, c’est qu’il n’avait pas tort le bougre ! Et cette réflexion est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de RATM…
Plus jeune, en écoutant les disques du groupe y’avait quand même pas mal de sons bizarres dans les soli etc… En somme on pouvait se dire « ouais y’a un mec qui scratche aux platines derrière… » Et puis mon frère a acheté l’album éponyme, et un jour en lisant le dos de la pochette, voici ce qu’il était inscrit « all the sounds of this album were recorded with only a voice, a guitar, a bass, and drums »… Je n’y avais pas prêté plus d’attention que cela, jusqu’au jour où j’ai vu un live dans lequel l’ami Morello exécutait un solo en live… Bon ben Ok grosse claque, « mais comment fait-il » ? Après quelques années passées dans le monde de la guitare électrique je sais un peu quel matos il utilise et quels effets de jeu sont utilisés dans les soli… Hé ben chapeau l’artiste, parce qu’outre l’originalité créative de sa façon de jouer, techniquement faut assurer sur scène, notamment le feedback (en gros c’est un effet de « larsen contrôlé », le mec se rapproche de ses enceintes avec sa guitare, le doigt posé sur une note sans la jouer et c’est cet effet de saturation qui « joue la note » comme si elle venait de nulle part avec une couleur très particulière). En réalité, c’est tout une approche de la guitare qui est à revoir, et bien peu sont ceux qui sont parvenus à un tel niveau de maîtrise qui permet d’une part de reconnaître la patte de l’artiste, d’autre part de créer quelque chose qui puisse s’imbriquer musicalement en adéquation avec le reste de la musique jouée par le groupe… Des mecs connus qui jouent comme ça, je ne vois que The Edge (U2) et Jeff Beck, ça fait peu en somme.
En fait, si on considère un peu RATM dans son ensemble de groupe, une section rythmique basse/batterie pourrait suffire à soutenir les textes du chanteur… Tom Morello est donc un peu un guest qui doit chercher comment combler l’espace sonore qui lui reste avec une telle configuration de groupe… Outre ses quelques riffs funky rock, les couplets, les soli .. Tout ceci est un champ d’expérimentation où il a la voie libre pour agir, mais en même temps où il se doit de coller à l’ambiance du reste du groupe pour produire quelque chose qui « sonne » , pas dans le sens conventionnel du terme justement…
Et le pari est réussi. Le voir jouer ses soli avec autant de classe et de gestuelle ça force le respect ! Enfin, je ne me suis pas seulement concentré sur lui, le reste du groupe n’a pas pris une ride non plus. Dans la fosse ultra remuante et suante, je ne fais qu’avancer, poussé par tout le monde qui remue derrière, bravant les pogos de mes bras musclés, je jumpe en rythme, aide à porter un djeun’z tokio hotel-like qui s’est évanoui vers les secours, me repose 5 min sur les cotés, et finis le concert tout devant, là où les gens sont tellement compressés qu’ils ne peuvent plus bouger mais profitent en même temps d’être à 5 mètres des musicos… Un pur condensé de concert comme on les aime, et comme je n’en avais plus fais depuis bien longtemps… J’me sens jeune tout à coup !
Je laisse la dernière phrase au groupe :
“It has to start somewhere
It has to start sometime
What better place than here
What better time than now”
Guerilla Radio