Notre monde est guerre,
les médias ne manquent pas de nous le rappeler, surfant sur un
sensationnalisme scabreux et suintant le souffre, brandissant le
spectre de Daesch au moindre sursaut de soupçon de volonté de
s’ôter de l’esprit que l’atmosphère est morose, avec en prime
la sinistrose du pouvoir d’achat du panier de la ménagère… Et
pour ne rien ôter à cette foutue société s’enfonçant avec
complaisance dans la médiocrité, Prince nous a quitté voilà moins
d’un mois, emportant avec lui un rayon de funk, une pincée
d’impertinence, un bruissement de détermination, quelques bribes
de folie, désenchantant un peu plus la surface de la Terre.
Lentement, dans les
soubassements de cet univers créateur mû par une force implacable
insufflant le changement perpétuel, il semblerait que Raul Midon ait
trouvé le levier de vitesse lui permettant d’enclencher la
seconde, lui qui marche sur les pas de Stevie Wonder. Chronique
retentissante d’un concert, au bas mot, de l’année.
Salle comble, ambiance
intimiste, comme d’hab’ une heure de début de concert non
respectée, la tension monte gentiment. Enfin, on nous annonce El
artista … Raul Midon !
Seul sur scène malgré
les multiples instruments qui l’entourent (: guitare, piano,
bongos, microphones), celui qu’un passant à l’extérieur nommait
« l’aveugle argentin » (qui, accessoirement est un
musicien soul… Dingue ce besoin de raccourcis systématiques pour
identifier quelqu’un et caser 3 références compte triple de mes
2 !), donc oui le mec un peu basané qui tire une gueule bizarre
et regarde pas les gens dans les yeux, Raul de son prénom, débarque
sur scène pour entamer le concert en solo (enfin, non puisqu’il
est accompagné jusqu’à son micro… Bon OK j’arrête les vannes
à 2 balles). Pas intimidé pour un sou, Mister Midon nous déclare
qu’il va jouer un morceau de son prochain album « Middle
Pedal » si j’ai bien compris… Pas besoin de plus de 30
secondes pour comprendre qu’on va prendre une sacrée claque
musicale ce soir là. L’acoustique est irréprochable, la voix
ressortant de manière limpide (indispensable quand on a la chance
d’écouter un chanteur à la voix soul aussi pure) et la guitare
bien percussive pour faire péter le groove. D’emblée, le truc qui
calme, c’est l’ambivalence entre d’un coté le jeu de guitare
très musclé de Raul Midon avec des mains très crispées effectuant
des mouvements saccadés, et de l’autre, son visage zen à 2 km, le
mec chante comme si de rien n’était. Pour vous faire une idée de
la chose, essayez donc de soulever l’armoire normande de votre
arrière grand-mère tout en chantant avec un air décontract’
/Insérer air que vous chantonnez sous la douche/
Non content de nous en
mettre plein la vue (pas mal pour un aveugle ;)) avec son jeu
époustouflant de guitare, Raul alterne les acrobaties musicales :
imitations de la trompette lors de ses impros vocales, impros guitare
puis voix empruntes de virtuosité, mélange de bongo + guitare en
accompagnement, morceau instrumental complet à la guitare… On sent
que le mec est pas là pour enfiler des perles et enfonce le clou un
peu plus à chaque morceau. Seuls bémols : la redondance des
titres (certains morceaux du prochain album sentent franchement le
déjà-entendu) et ce besoin irrépressible de foutre des soli de
guitare un peu partout. Autant y’a de quoi être soufflé par son
jeu rythmique de guitare, ses impros « trompette » ou
encore sa superbe voix soul, autant ses soli systématiques à chaque
morceau sont de trop, notamment lorsqu’ils tombent comme un cheveu
sur la soupe en plein milieu d’une balade telle « when you
call my name ». Imaginez une atmosphère mélancolique qui
s’installe avec le couplet, un refrain salvateur qui vous porte au
ciel dans une délicate envolée lyrique et bam d’un coup :
solo de free-jazz avec 150 000 notes à la minute -> Et oui
mon bon Raul t’es tombé dans le piège du gratteux qui, tout fier
de maitriser de nouvelles techniques, en fout de partout avec mauvais
goût.
Booooon, ce léger faux
pas sera compensé par les tubes imparables de sa discographie,
exécutés d’une main de maître (« don’t take it that
way », « sunshine »), voire complètement
réinterprétés par rapport à leur version album (« invisible
chain »), nous rappelant que le bonhomme commence à avoir une
belle collection de tubes bien rodés par les nombreux concerts à
son actif.
Enfin le final avant
rappel fut un véritable moment de magie. Raul invite un certain
Jean-Philippe qu’il traite de « badass » (en musique,
ce qualificatif évoque pour moi un musicien doté d’un sacré sens
du rythme, capable de trouver des lignes rythmiques diaboliques qui
te font hocher la tête sans répit). Un mec avec un look
minimaliste, également aveugle, arrive sur scène avec son
instrument : une sorte de mélodica. Après une rapide balance,
Raul Midon entame son plus gros tube « State of mind »…
Dans un premier temps, Jean-Philippe l’accompagne en balançant une
ligne de basse salement groovie en accompagnement du morceau … Puis
les 2 compères se lancent dans une série d’impros qui ne sont pas
sans nous rappeler les heures les plus lumineuses d’Herbie Hancock
et ses Head Hunters dans les 70’s, un Raul Midon qui ne sait plus à
quel saint se vouer : Marvin Gaye et Bobby McFerrin dans les
aigus, Barry White dans les graves. A un moment donné, on sent que
Raul a besoin de faire sortir un truc, quelque chose en réaction à
ce monde qui s’enlise dans la contemplation de sa médiocrité :
il nous balance un rap plein de groove et de paroles positives comme
pour emmener l’ensemble du public vers l’excellence musicale…
Et ça prend ! La fin du morceau est en fait une reprise du
thème « Killer Joe » avec Raul réinterprétant la
trompette de Quincy Jones et Jean-Michel la contrebasse de Ray
Brown, la conclusion ultime qui redonne ses lettres de noblesse à
l’expression « avoir un groove de Badass » !
Rappelé par les vivas du
public, Raul remontera sur scène, un peu ému, pour une ultime
balade d’au revoir. Quelque peu hésitant sur certains changements
d’accords à la guitare, il nous montre enfin un visage humain qui
rassure un peu le musicien frustré ce soir là que je fus devant
tant de virtuosité !
Pour aller plus loin - Des liens & de la musique :
- Le live de référence de Raul Midon avec Richard Bona - Marciac 2011 : https://www.youtube.com/watch?v=ppdymdxYwn8
- Killer Joe, un classique : https://www.youtube.com/watch?v=aASXNyc6xmY
- Chameleon, un standard des Head Hunters :
En 74 : https://www.youtube.com/watch?v=NQKzNIGphL8
En 2006 : https://www.youtube.com/watch?v=dBkoxR6eSQU
Pour aller plus loin - Des liens & de la musique :
- Le live de référence de Raul Midon avec Richard Bona - Marciac 2011 : https://www.youtube.com/watch?v=ppdymdxYwn8
- Killer Joe, un classique : https://www.youtube.com/watch?v=aASXNyc6xmY
- Chameleon, un standard des Head Hunters :
En 74 : https://www.youtube.com/watch?v=NQKzNIGphL8
En 2006 : https://www.youtube.com/watch?v=dBkoxR6eSQU
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