dimanche 29 mai 2016

Playlist Beatles


Le diagnostic est posé : j'ai contracté la beatlemania. Je vous rassure, je ne crie pas dès que j'entrevois une photo du groupe ou un live, je n'ai pas constitué un autel avec des bougies, quelques poupées vaudous et des formules d'incantation magiques pour communiquer avec l'âme de John Lennon. Non. Simplement je reste admiratif devant l'héritage musical que nous a légué la bande de Liverpool. Autant de richesse dans les mélodies, harmonies et rythmes, dans les emprunts aux styles musicaux, en un mot : de l'émotion. Et tout cela en 12 albums et en 7 ans. Généralement, dans ce genre de situation, la première réflexion qu'on se fait donne quelque chose comme : « Comment j'ai pu attendre aussi longtemps avant de découvrir ce trésor ! ». il faut dire que le piège était de taille : le train du temps et de l'impitoyable culture populaire auront propulsé les Beatles au panthéon du groupe gentillet qui a écrit de jolies mélodies qu'on pourra reprendre en chantant tous ensemble au coin du feu, accompagné d'une guitare : Let it be, Yesterday, ou encore Imagine (alors que cette dernière a été écrite par Lennon après la période Beatles). C'est simplement occulter plus de 50% de ce que les Beatles ont composé et joué, avec de nombreuses surprises. Je n'ai aucun doute qu'après avoir écouté cette sélection que je me propose de vous faire découvrir ou redécouvrir, vous n'aurez plus la même conception de ce groupes de 4 gendres idéaux en apparence. Allez, c'est parti pour un voyage en musique au pays du Mersey beat en compagnie du redresseur de torts en chef de bord :

  1. Rock'n'roll
Première idée reçue à détricoter : l'idée d'un groupe gentillet jouant des mélodies sautillantes avec des paroles niaises à tout bout de champ. Pour cela, j'appelle à la barre :

  • Back in the USSR
Le bases du rock, simple et efficace, avec un John Lennon qui chante un peu à la Mick Jagger (rappelons-nous que les 2 groupes se fréquentaient dès les 60's...) ou encore une grosse influence Beach Boys sur le pont (à 1:10 par ex.),et enfin un solo de guitare bien affûté à 1:22.
En résumé : un titre qui illustre bien l'émulation musicale des 60's avec les plus grands groupes de rock de l'époque qui s'influencent mutuellement. Et un bijou musical pour la postérité !

  • Paperback Writer
En seulement 10 secondes, le parfait résumé de ce qui a fait entrer les Beatles dans la légende :
  • Des harmonies vocales divines !
  • En embuscade derrière, un riff de guitare de bad boy des banlieues de Liverpool rebelle jusqu'aux ongles et tellement efficace qu'il nous donne envie de tout faire péter !
  • La ligne de basse de Mc Cartney sur le morceau... Sincèrement toute la discographie des Beatles vaudrait le coup seulement pour ces fameuses lignes de basses : un groove impeccable, une musicalité hors pair et toujours, je dis bien toujours (et j'insiste:D) au service de la musique. En clair : un sens de l'équilibre qui témoigne d'un raffinement très développé.
Le reste de la chanson s'occupera de finir le travail avec une construction et une progression imparables jusqu'au final avec des harmonies vocales à tomber.

  • Taxman
Qui a dit que les Beatles écrivaient des textes « gnan-gnan » ? Ah oui, c'est vrai : I wanna hold your hand, she loves you, baby you can drive my car … Ok, certes, de l'aveu de John Lennon himself, pour les premiers albums, les Beatles ont eut tendance à expédier les paroles à la va vite pour se concentrer sur la musique... En d'autres termes, ils s'en foutaient un peu de ce qu'ils racontaient. Ce n'est qu'à partir de l'album Rubber Soul (1965) que le groupe fera un effort sur le sujet. Donc revenons-en à Taxman : chanson composée par Georges Harrison (je ferai un focus sur ses compos par la suite). Excédé d'être taxé à 96% sur ses revenus, le brave George imagine un nouveau super héros : Taxman qui viendrait tout taxer dans le quotidien des pauvres citoyens. Pour le coup, les paroles sont sarcastiques à souhait « If you take a walk, I'll tax your feet ». A noter, l'influence du générique de « Batman » paru tout juste avant cette chanson, notamment sur le « Taxman » : https://www.youtube.com/watch?v=1jgE-lrfZ3k

PS : là encore, la ligne de basse est un régal... Mais bon je vais arrêter de le dire, ça risque de virer à l'obsession.

  • Helter Skelter
(Première digression d'une longue série :) Un des aspects qui me fascine le plus dans la musique est la généalogie des courants musicaux. Dans le cas présent, les Beatles ont fait partie des pionniers du hard rock et du punk et ce, en 1968, quelques années avant l'émergence de Led Zeppelin (1er album en 1969) ou encore des Ramones (1975) ou des Sex pistols (1er album en 1977) :
Quelques exemples de l'influence directe de ce morceau sur ce qui allait venir par la suite : https://www.youtube.com/watch?v=2S_TY8OCONA

A écouter également dans ce registre :
Hey Bulldog
We can work it out
A Hard Day's Night

  1. Les origines

J'en parlais juste avant, tout musicien a ses propres influences qui façonnent son univers artistique. Dans le cas des Beatles, avec mes maigres connaissances, j'ai pu déceler les influences suivantes :

  • la pop et le rock des années 50 : en écoutant des titres du 1er album « Please Please me » (1963) comme Please please me ou encore Misery, je ne peux m'empêcher de penser aux succès des années 50 comme : https://www.youtube.com/watch?v=tbU3zdAgiX8. Des harmonies vocales, aux arrangements, en passant par les effets apposés sur les voix (reverb, écho), les guitares ou encore la batterie. En matière de rock, Roll over Beethoven est tout simplement un reprise de Chuck Berry l'un des pères fondateurs du rock'n'roll.

  • la country/folk US, qu'on retrouvera tout au long de la discographie du groupe, comme l'illustrent des titres tels que Get Back, Ballad of John and Yoko ou encore I've Just seen a face.

  • La « Musique de grand-mère de Paul(McCartney) » : citation due à John Lennon qui raillait volontiers son compère quand ce dernier présentait des chansons sautillantes et peu agressives, comme par exemple : Maxwell's silver hammer ou encore When I'm sixty four. On aura beau dire ce qu'on veut, ça reste de la pop de très bonne facture, un joli swing, des arrangements intégrant des orchestres classiques comme en témoignent des pépites comme Eleanor Rigby, Penny lane, The fool on the hill ou encore Because.

  • Les influences indiennes de George Harrison : pas ma tasse de thé (ex : Within you, without you), néanmoins, un apport intéressant dans des chansons comme Norwegian Wood.

  • Le blues : déjà dans la structure harmonique de bon nombre de morceaux qui ne sont ni plus ni moins que des grilles de blues en 12 mesures : Day Tripper, For you blue. Ensuite dans les progressions d'accords proche de cette grille de blues : Revolution 1,Enfin, dans les intonations vocales, écoutez donc ce stakhanoviste de Paul McCartney se déchirer les cordes vocales sur Oh ! Darling.

  1. Les Tubes

Évidemment, impossible de faire l'impasse sur cet aspect du groupe. Dans cette catégorie, ma préférence va d'emblée à Yesterday et Hey Jude. Je souhaite néanmoins revenir sur quelques points au sujet des tubes en général. Pour moi, ce qui fait qu'un tube vieillit bien est dû à 2 facteurs majeurs :

1) la qualité de base de la composition : enlevez tous les effets, toute la production du studio d’enregistrement et gardez uniquement la ligne vocale accompagnée du piano ou de la guitare … Vous entendrez tout de suite si ça sonne ou pas. Dans ce cas, ça marche plutôt bien : https://www.youtube.com/watch?v=44RB94H8HrE, dans ce cas, pas vraiment : https://www.youtube.com/watch?v=XZ3OLswKKAw : aucune ligne mélodique qui reste dans la tête et vous donnera envie de siffloter l'air à l'occasion, juste une diarrhée verbale. Et que fait-on dans ce cas pour quand même faire péter les 44 millions de vues sur Youtube ? … Pas besoin de vous faire un dessin.

2) Le travail du studio : soit on agit avec modération et 50 ans après ça envoie toujours le pâté : exemple avec Got to get you into my life, toute en classe avec des cuivres et un swing de bâtard : https://www.youtube.com/watch?v=bxhhFOnXs2M ou alors on fait dans le gros kitsch : https://www.youtube.com/watch?v=puZQmWQT50 avec un groove bien lourdaud (on n'est pas très loin de la danse des canards), un style de chant complètement inapproprié au morceau.


Par ailleurs, ce qui prouve qu'une chanson porte beaucoup de choses en elle se voit à la perpétuation de sa mémoire par des artistes qui la reprendront (par extension, on peut également mesurer l'importance d'un groupe au nombre d'artistes majeurs qui suivent et citent ledit groupe comme influence). Illustration avec Blackbird : cette chanson enregistrée par Paul Mc-Cartney accompagné de sa guitare acoustique à la fraîche, un soir d’été en 1968, à l'extérieur des studios d'Abbey Road, a été reprise par de multiples artistes d'horizons divers : Soul - Raul Midon, Rock - U2, Foo Fighters, Folk - Elliot Smith, Jazz - Bobby Mcferrin Brad Mehldau, Herbie Hancock, Bireli Lagrene/Sylvain Luc …
Pour ma part, voici mes 2 versions préférées : https://www.youtube.com/watch?v=RHKAZVaCBFE et https://www.youtube.com/watch?v=eE6PLFO_3PI … Au passage, une anecdote sur les paroles de cette chanson : j'ai longtemps cherché à comprendre ce que Mc Cartney voulait exprimer en parlant de cet « oiseau noir »... Tout s'est éclairé lorsque j'ai lu que cette chanson avait pour thème la lutte des afro-américains pour leurs droits. Heureuse ou malheureuse coïncidence que l'album sur lequel elle figure soit paru en 1968, peu après l'assassinat de Martin Luther King cette même année. Un argument de plus pour détricoter l'idée reçue selon laquelle tous les lyrics des Beatles sont niais et sans prétention.

  1. Les compos de George Harrison et Ringo Starr

Comme vous le savez peut-être, le tandem Lennon/Mc Cartney a écrit la très grande majorité des chansons des Beatles. Pour autant, Harrison et Starr ont proposé des compos bien souvent rebutées car considérées comme n'étant pas au niveau par le tandem leader du groupe. In fine, quelques-unes de leurs compos de haute volée seront disséminées dans la discographie des Fab Four :

Pour George Harrison :
  • Here comes the sun : une ode à l'optimisme qui fait état d'une grande maturité d'esprit. Encore une fois, on est loin du coté naïf des débuts.
  • While my guitar gently weeps : certainement la compo préférée des guitaristes du monde entier, avec en guest-star Eric Clapton à la guitare solo. Comme ça, en passant, une petite reprise de ce hit: https://www.youtube.com/watch?v=6SFNW5F8K9Y
  • Something : un feeling incroyable. Il paraîtrait que c'est le morceau qui aurait fait gagner le respect de Frank Sinatra au travail de George. Écoutez donc l'hommage émouvant à Georges Harrison suite à sa mort au début de la décennie des 2000's par ses anciens collègues : https://www.youtube.com/watch?v=E0xcSi7z4HA.

Pour Ringo Starr : Octopus's Garden, With a little help from my friend (bien que pour ce dernier morceau la compo soit de Lennon/Mc Cartney, l'idée étant que sur chaque album des Beatles, Ringo ait son morceau à chanter... Bel esprit collectif).

  1. Les mystiques et inclassables

Amis de l'avant-garde bonsoir ! Après m'être escrimé à tordre le coup aux préjugés, je me propose de vous emmener un peu plus en dehors des sentiers battus. En résumant grossièrement la carrière des Beatles, on peut distinguer 2 périodes : avant 1965, ils composent une musique dans la continuité directe de ce qui s'est fait jusqu'alors, avec de nombreuses reprises sur les premiers albums, des influences qui leurs collent aux basques. On peut ainsi considérer que leur personnalité ne s'exprimait pas des masses. A partir de 1965, plusieurs faits majeurs changent la donne et les amènent à créer quelque chose de véritablement nouveau : popularité mondiale acquise (= plus besoin de faire leurs preuves), décès de leur manager Brian Epstein qui les a guidés vers le sommet, découverte des drogues (Bob Dylan leur a fait découvrir la marijuana. Dans la foulée, ils découvrent le LSD alors légal à l'époque en Angleterre), arrêt des concerts en 1966 (les moyens de sonorisation de l'époque ne permettait plus de couvrir les cris du publics... les membres du groupe eux-mêmes ne s'entendaient pas jouer), voyage en Inde (qui n'aura pas que des conséquences heureuses), influence de Yoko Ono sur Lennon pour l'amener vers la musique expérimentale... Parmi toutes les expériences musicales qui en ont résulté, j'ai choisi quelques titres pour épicer un peu plus cette playlist :
  • Les mystiques : Accross the universe, Two of us (je pourrai également citer Lucy in the sky with diamonds ou encore Strawberry fields forever, moins à mon goût).

  • Les inclassables :
    • I Am the walrus : Si vous ne comprenez rien aux paroles tout va bien, dans le cas contraire, arrêtez de prendre des drogues hallucinogènes ! Dans sa démarche anti-conformiste, Lennon a volontairement voulu brouiller les pistes lorsqu'il a appris que les chansons des Beatles étaient étudiées à l'école en Angleterre. Pour y parvenir, il indique avoir composé les premières paroles sous acide, puis s'est laissé aller « au bluff comme le ferait Bob Dylan »... Bref du grand n'importe quoi, mais pas désagréable à écouter pour autant.
    • A day in the life : avec pêle-mêle : l'association de 2 bouts de compositions de Lennon et McCartney qui s'avéraient bien coller au niveau des textes, avec l'une contenue dans le rêve d'un autre, l'orchestre symphonique qui joue sans partition une montée en grande pompe (une hérésie à l'époque qui a failli coûter le départ des musiciens classique du studio lors de la session d'enregistrement, ces derniers n'étant pas, pour la plupart, assez ouverts d'esprits pour accepter ce genre d'enregistrement), ou encore l'accord de piano final tenu pendant 30 secondes. Pour ce dernier point, ça peut paraître banal aujourd'hui avec les moyens technologiques dont nous disposons, mais pour bien vous faire comprendre le défi de l'époque, amusez-vous à plaquer ce même accord sur un piano à queue (ou droit) et enregistrez vous … Inexorablement, vous vous apercevrez que le son s'estompe complètement au bout de 10 secondes max. Il fallut à l'ingénieur du son Geoff Emerick redoubler d'ingéniosité pour y parvenir (mais n'est-ce pas littéralement ce que l'on demande à un ingénieur ?).
Conclusion : filez écouter cette étonnante chanson !
    • Tomorrow never knows : pour cette chanson, John Lennon exigea laconiquement que sa voix à l'enregistrement sonne comme « le dalaï lama psalmodiant depuis le sommet d'une lointaine montagne »... Le genre de propos qui doivent, à n'en pas douter, réjouir les producteurs, et autres ingénieurs du son, dans la direction à prendre pour parvenir à satisfaire un musicien de la trempe de Lennon. On comprend ainsi un peu mieux comment autant d'expérimentations ont été possibles dans un contexte social en Europe et au Royaume Uni aussi rigide durant les 60's jusqu'à mai 68.

  1. La fin ?

Après les Beatles, il demeure à découvrir les pépites contenues dans les disques en solo de chacun des Beatles. J'ai commencé à m'y atteler, mais à chaque fois, je fais le même constat  : on ne sent plus cet esprit de collectif, 4 p'tits gars qui s'éclatent tellement à jouer de la zik' que ça transpire sur les enregistrements. Une page se tourne, un héritage demeure.

Pour conclure cette playlist, quoi de plus logique que de présenter l'ultime morceau du groupe, figurant sur l'album Abbey Road et qui porte le titre révélateur de The End. La petite anecdote sympa sur ce morceau est le solo (ou plutôt les soli) de guitare situé entre 0:54 et 1:30. Il s'agit en vérité d'une battle de guitare entre Mc Cartney, Harrison et Lennon qui jouent à tour de rôle 3 fois (toujours dans le même ordre) un mini solo. Il est saisissant d'entendre à quel point la personnalité de chacun transparaît dans son jeu de guitare :
  • Mc Cartney qui entame chacune des battles avec son groove bluesy et son attaque cinglante des notes en staccato.
  • Harrison le soliste du groupe qui exprime toute sa sensibilité dans ses vibratos.
  • Lennon qui cherche toujours à se faire remarquer et à faire du bruit, comme en témoigne ses motifs rythmiques répétitifs et agressifs + le son de guitare tranchant comme une lame de rasoir.

Et voilà, en synthèse, un bref aperçu du spectre... That's all folks !

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